Qui veut garder son vieux Larousse?
Quand, pour la dernière fois, avez-vous consulté un bon vieux dictionnaire? Quand j’étais jeune, je n’avais accès qu’à un Larousse écorné, hérité de mes parents. Je ne peux pas vous indiquer son année d’édition. La couverture était absente, de même que les premières pages. J’ai toujours eu de la difficulté à écrire « ananas » et « baklava ». J’ai longtemps massacré la langue de Zola . En fait, j’ai commencé à me débrouiller vers l’âge de vingt-cinq ans, à mes débuts comme enseignant. À force de faire aller ma craie pour un public qui n’a rien d’autre à faire que de souligner un « s » manquant, un prof finit par développer ses habiletés. Alors que le débat sur l’utilisation des logiciels de correction à l’école refait surface, je pense qu’on est rendu là. Pas vous?
Prête-moi ta plume pour écrire un mot
Ah! Le français. La langue de Balzac, Proust et Baudelaire! On dirait que le vent s'est pris dans une harpe et qu'il a composé toute une symphonie plein d’incongruités et d’exceptions héritées de racines grecques et latines. Une orthographe réformée arbitrairement au XVIIIe siècle. Quand un mot change de graphie parce que l’imprimeur n’a pas assez de lettres « f » dans sa presse, il ne faut pas se surprendre de chercher la logique derrière l’orthographe de « facophère » et « filicophyte ». Merci, Molière pour ton vocabulaire ampoulé!
Et l’accord des participes passés? Quel bordel! Désespérée, même l’Association québécoise des professeur.e.s de français demande une réforme, non pas de l’éducation, mais de l’accord des participes du passé? Qui s’oppose réellement à ça? Qui veut que « les fraises que j’ai mangées » s’accorde uniquement si les fraises viennent avant? Qui? Si l’apprentissage des codes de la langue française était accessible à l’ensemble de la population, me semble qu’on le saurait, non?
« Quand on comprend ça, il devient plus facile de voir à quel point notre système d’écriture n’est qu’une convention qui peut être améliorée. Qui doit être améliorée. Au plus sacrant. Pour qu’enfin des millions d’élèves puissent se concentrer sur l’essentiel au lieu d’ânonner des règles vite oubliées. Et pour que des millions d’adultes retrouvent le plaisir d’écrire sans se demander s’ils vont se faire ramasser par Denise Bombardier. » Jean-Benoît Nadeau, 2021
Ah, le bon vieux temps
En attendant que les membres de l’Académie de la langue française aient terminé de lire tous les livres de Dany Laferrière, en attendant qu’ils se mettent d’accord sur la pertinence du « h » aspiré de « hébéphrénique », pour les étudiants dont le français est un outil de communication et non un art sacré, on fait quoi? De plus en plus de gens prônent l’utilisation de logiciel de correction. J’entends les plus conservateurs dire : « Les jeunes ne savent plus écrire, avec leur cell pis leur TokTok! » À 50 ans, je fais partie d’une génération dont on disait déjà à l’époque qu’elle était formée des pires cancres. Les générations suivantes, réformes après réformes, ont toutes entendu le même discours. Est-ce que c’était mieux en 1960? Peut-être, mais seulement pour les 50 % qui fréquentait l’école jusqu’à 16 ans. Parce que pour les autres, « lard salé » ou « lord saler », pourvu qu'il y en avait dans l’assiette, c’était du pareil au même. Sinon, derrière chaque homme d’affaires, il y avait une bonne secrétaire. Le bon vieux temps n’était pas plus que parfait.
Un assitant-scripteur
Avec autant d'illogismes et d’exceptions, peut-on vraiment être surpris qu’il faille un ordinateur pour écrire convenablement dans notre langue aujourd'hui? Même les créateurs d'Antidote avouent qu'il est impossible pour un logiciel de rectifier toutes les erreurs. Même Google, avec ses imposants moyens, n’y parvient pas. Les outils de correction modernes ne font pas tout le travail. Les anomalies sont soulignées, des choix sont suggérés et c’est aux scripteurs de décider si une règle s’applique ou non.
« On comprend donc ici qu’un étudiant qui n’a aucune idée des règles du français ne saura pas faire les bons choix. À l’inverse, s’il les a déjà apprises, il sera en mesure de prendre des décisions éclairées » Jean-Benoît Nadeau, 2021
Ainsi employé, l’outil devient un assistant qui pourrait même contribuer à l’apprentissage des conventions et des exceptions de la langue de Malraux. L’utilité pédagogique me semble indéniable. Je suis contredit par certains chercheurs en didactique du français qui exigent des études solides avant de se prononcer. Je dois leur donner raison. Cependant, avec un sujet aussi récurrent qu’usé, pourquoi les études sur l’utilisation d’outils d’aide à l’écriture ne pleuvent pas?
Personnellement, aucun courriel ne quitte mon ordinateur sans passer par Antidote. La moindre coquille de ma part pourrait indisposer un client ou diminuer ma crédibilité auprès de mes collègues. Pour des textes plus complexes, mon assistant numérique identifie les répétitions, les temps de verbe, les marqueurs de relation, etc. Il revient à moi seul de décider si des changements doivent être apportés. Des dictionnaires m’aident à trouver des mots qui conviennent davantage au sens et qui enrichissent mes articles. Au final, j’obtiens une chronique mieux structurée et plus agréable à lire, comme celle-ci. Molière lui-même n’aurait sûrement pas dit non à un petit coup de pouce.
T’as manqué ça?
« Wordle » sauve la vie à une Américaine prise en otage. C’est vrai que si je n’ai pas la « story » Facebook quotidienne de mère, je m’inquiète.
La petite histoire du Monopoly. Un jeu qui, contrairement aux idées recues, ne fait pas l’apologie du capitalisme.
Pourquoi tout le monde (ou presque…) aime ABBA? Notre cerveau serait biologiquement constitué pour tripper sur leur musique.
Où va le sperme après la vasectomie? Va voir ta mère. Elle va tout t’expliquer ça…
Le mot de la fin
Mottainai [もったいない]. Vous avez des courgettes ramollies ou des carottes oubliées dans le frigo. Des pommes de terre plissées comme la face de Claude Blanchard? Le cœur lourd, vous les mettez à la poubelle, envahi d’un sentiment de désarroi et de honte. La langue japonaise a un mot pour cela : Mottainai, le regret face au gaspillage.