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Pour ce premier billet de 2022, je débute une série Le futur imparfait, portant sur les transformations causées par le numérique (l’informatique, pour les vieux!). Vous remarquerez aussi que j’ai ajouté, sous le titre, le temps estimé de lecture. C’est une nouvelle pratique que j’ai empruntée à certains sites Web. Comme les médias sociaux se livrent une véritable guerre sur Internet pour attirer votre attention, indiquer le temps que vous investirez à lire un texte est devenu une marque de respect. Bonne idée ou tendance futile?
Après le Word Wide Web, le Web 2.0, c’est maintenant l’ère du Web3. On ne dit pas Web 3.0, je sais, ne me demande pas pourquoi. Si tu n’as pas encore la haute vitesse à la maison, tu te demandes sûrement pourquoi s’intéresser à l’évolution du Web. Pour faire une analogie, la haute vitesse ou la 5G, ce sont des pots Mason alors que le Web, c’est de la confiture. Parlons de la déconfiture du Web.
Le bon vieux temps
Au tout début, le Word Wide Web, c’était une grosse encyclopédie disponible via un modem qui faisait de drôles de bruits. Le WWW permettait pour la première fois au monde de se connecter. L’autoroute de l’information donnait accès aux images de la NASA, à la recette de pets-de-soeurs de Soeur Angèle ou encore aux dernières nouvelles du procès de Maurice Mom Boucher, en naviguant sur Netscape ou La Toile du Québec. Y avait aussi de la porno, mais c’était tellement long à télécharger que… enfin, vous me voyez venir?
Et Napster fut!
Au début des années 2000, on pouvait enfin publier ses vidéos de car surfing sur YouTube, télécharger des MP3 de Nickelback « gratuitement » sur Napster ou comparer nos vies avec des amis qu’on n’a pas revus depuis la maternelle sur Facebook. Le Web 2.0, c’était la démocratisation de la Toile. Twitter nous permettait de partager notre opinion. Des quidams ajoutaient des pages dans Wikipédia. Aujourd’hui, on trouve de tout sur Instagram ou TikTok, pour le meilleur comme pour le pire. Le Net est aussi devenu le terreau fertile de l’ultracrépidarianisme et de la désinformation. Et si le Web 2.0 devait nous offrir l’économie du partage, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) ont plutôt gardé toutes les parts du gâteau pour elles.
Car s’il y a une chose que les créateurs de la grande Toile n’ont pas imaginée dès le départ, à part le paquet de troubles qu’ils allaient causer, c’est la monétisation des contenus.
Puisque tout y est virtuel, il n’est pas possible de posséder quoi que ce soit. C’est pourquoi le droit d’auteur y est autant bafoué. De plus, les transactions commerciales y sont difficiles et risquées. Je ne suis certainement pas le seul à hésiter à donner mon numéro de carte de crédit sur Wish quand vient le temps de m’acheter un string léopard, non? C’est pourquoi les GAFAM ont choisi un modèle d’affaires basé non pas sur la propriété du contenu, mais sur la publicité générée par la consultation du contenu. Et ça marche trop bien.
L’économie de l’attention
Les données sur leurs utilisateurs génèrent des milliards de revenus publicitaires alors que leurs services sont offerts gratuitement. Mais quand c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit! Plutôt que de sortir ta carte de crédit, tu payes de ton attention. En 2020, Google et Facebook possédaient à elles seules la moitié des revenus publicitaires du Web. Pendant ce temps, les médias traditionnels ferment leurs portes les uns après les autres.
Aujourd’hui, qui peut se passer d'Internet pour promouvoir et distribuer sa musique, son film, son spectacle ou son livre? Même Mario Pelchat a plié l’échine devant Spotify, après l’avoir boudé pendant des années. Les créateurs ne peuvent pas vivre de leur art sur Internet. Sur Spotify, 90 % des royautés vont dans les poches de 1,4 % des artistes les plus populaires. Les autres, comme des pigeons, se jettent sur les miettes qu’on leur laisse. C’est comme acheter une bague à 1000 $ et que le concepteur du boîtier touchait 990 $ alors que le joaillier gardait le p’tit change.
Révolution en route sur la Toile
Mais les créateurs de contenus s’organisent pour mettre fin à l'hégémonie des GAFAM. Le Web3 brise le modèle actuel en redonnant le pouvoir aux créateurs tout en évitant l’intermédiaire des grandes plateformes. La révolution est déjà en marche camarades! La clé de voûte du Web3, c’est la création de la rareté digitale. Actuellement, un auteur, une artiste visuelle ou un musicien qui diffuse une oeuvre sur le Net peut la voir copiée des millions de fois, sans recevoir ne serait-ce qu’un merci. Qui peut prétendre aujourd’hui être le propriétaire d’une photo originale du Grumpy Cat, de la vidéo virale du Star War Kid (37 milliards de vue sur YT!) ou du tout premier emoji?
Puis survient la création de la chaîne de blocs ou blockchain, véritable Saint Graal du Web3. Il est plus facile d’expliquer le mystère de la Caramilk que le fonctionnement d’une chaîne de blocs. Je te résume ça très simplement pour que tu puisses l’expliquer à ton beau-frère, après le confinement. Il s’agit d’une formule mathématique tellement complexe qu’il faut des millions d’heures à des d’ordinateurs pour la résoudre. Rien à voir avec 2x+1=5, tu vois? Le génie de la chose réside dans le fait que plus il y a d'ordinateurs qui travaillent à la résoudre, plus l’équation se complexifie et s’allonge d'elle-même, comme une chaîne à laquelle on ajoute des maillons. C’est comme si ton prof de math, en voyant que tu as presque réussi à résoudre son équation, y ajoutait des x, des y et des z, juste pour rendre ça plus difficile.
La formule mathématique de la chaîne de blocs la rend infalsifiable. Ainsi, un fichier inséré dans ce coffre-fort virtuel ne peut être copié et sera donc unique dans le monde virtuel. Le Web3 crée la rareté digitale, notion essentielle pour donner de la valeur à un objet, comme l’or, une œuvre d’art ou une maison de campagne pendant la pandémie.
Bitcoins, ethereum et NFT?
La première utilisation connue des chaînes de blocs est la cryptomonnaie, cette monnaie virtuelle dont la valeur n’est pas définie par les grandes banques centrales, mais par les détenteurs de la devise eux-mêmes. Il existe aujourd’hui des dizaines de cryptomonnaies, chacune basée sur leur propre chaîne de blocs. Depuis 2017, la cryptomonnaie gagne en crédibilité. Tu peux déjà utiliser de la cryptomonnaie avec Interac ou Visa. Et certaines compagnies, comme PayPal, créent leur propre monnaie numérique. Si les grandes institutions bancaires ont longtemps levé le nez sur le phénomène, il y a de fortes chances qu’aujourd’hui ton REER contienne des devises en bitcoins ou ethereums. Tu peux même acheter des bitcoins dans les dépanneurs du Québec!
L’autre tendance du Web3 actuellement, c’est le jeton non fongible (non-fungible token) ou plus simplement NFT. Il s’agit d’un certificat d’authenticité infalsifiable, généré par une chaîne de blocs et associé à une œuvre numérique. Il est donc désormais possible de vendre du contenu numérique sur le Net à des personnes qui en deviennent les propriétaires légaux, même s’il en existe de millions d’exemplaires. C’est un peu comme les cartes de hockey ou les cartes Pokemon. Certaines sont rares et possèdent donc une valeur parmi les collectionneurs. À la différence près que le propriétaire d’un NFT possède le certificat d’authenticité, mais pas l'œuvre numérique qui, elle, peut exister en millions de copies. Tu suis? Actuellement, tout le monde veut sa part du gâteau, que ce soit l’industrie musicale, le cinéma, le sport professionnel ou les artistes visuels. En voici quelques exemples :
Ce dessin de la série Bored Apes vendue à 3,4 millions $ pour une édition « limitée » à 10 000 exemplaires.
Le premier tweet vendu par le cofondateur de Twitter pour 2,9 millions $.
Le Canadien lance une série de NFT pour souligner les séries éliminatoires de 2021.
Un Montréalais achète une séquence vidéo de 10 secondes de Lebron James pour 208 000 $.
Le groupe Kings of Leon, premier groupe à lancer un album sous forme de NFT.
Les NFT s’invitent dans les jeux vidéo pour enfants.
Est-ce la naissance du mercantilisme sur le Web? C’est assurément le retour de la loi de l’offre et de la demande qui règle le commerce sur Terre depuis des centaines d’années. Disons qu’on a simplement fait une pose entre 2000 et 2020. De tout temps, les autrices, les chanteurs, les comédiennes, les artisans, les peintres, les dessinatrices ou les producteurs ont troqué leur art contre quelques billets. Mais le modèle actuel, pris en otage par les GAFAM, les prive d’une distribution équitable de la richesse. Le Web3 promet de rétablir cet équilibre, mais on peut prédire une riposte de la gang à Bezos. Déjà, plusieurs initiatives sont victimes de l’effet de la nouveauté, de bulles spéculatives voire même d’escroqueries. 2022 devrait voir le Web3 se régulariser de lui-même et se développer. Dire que pendant ce temps, Zuckerberg mise tout sur le métavers. Il semble avoir manqué la dernière sortie, lui…
T’as manqué ça?
La BD pour combattre les préjugés transphobes. J’adore!
L’influence de l’attraction gravitationnelle de la Lune sur les êtres vivants n’a jamais été prouvée, jusqu’à la publication de cet article. Et ça va faire tellement plaisir à mon amie Anick!
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